Plus les heures passaient, plus je me disais que ce devait être une blague. Pourquoi être enfermé ici ? Pourquoi nous faire vivre un stress insoutenable sans faire quoi que se soit ? Si nous devions mourir, alors il devrait déjà y avoir un cadavre de plus non ? Toutes ses questions… avec aucune réponse. Et tout le monde qui paniquait, qui voulait s'en sortir. C'était d'un ridicule. La vie est ridicule. Et c'est en étant enfermé que je m'en rend de plus en plus compte. L'endroit était lugubre et me donnait froid dans le dos. J'avais croisé quelques personnes durant la nuit, mais je ne me sentais pas d'humeur à échanger. Solitaire jusqu'au bout, c'est ce qui me représente le plus. Errant comme un chat, je découvris l'endroit pièce par pièce, essayant de découvrir peut-être des indices. Ou pas. Puis je tombai sur les sanitaires. Dans le même genre que les autres pièces, décidément. «Putain… c'est dans des moments pareils que je m'ennuie de la plage et du soleil d'Huntington… » marmonnais-je, regardant l'endroit d'un air suspicieux. Je m'approchai d'un lavabo, puis je jeté un coup d'oeil à mon reflet dans la glace cassée. Mon teint était pâle, personne ne pourrais dire que je venais de la californie. Ce teint détonnait avec la couleur de mes cheveux, que j'aimais plus que tout. Comme j'étais sobre depuis quelques heures, l'idée de fumer un joint me traversa l'esprit. Cependant, je n'avais aucune idée d'où se trouvait mon sac. Merde. Je me penchai alors au dessus du lavabo, laissant couler l'eau un petit moment, avant de m'en asperger le visage, mon mascara noir coulant contre mes joues. C'est à ce moment même qu'un homme fit son entrer, homme auquel je n'avais jamais parlé. «T'aurais pas de quoi fumer ? » lui demandais-je aussitôt, n'ayant que cela en tête. «Oh et si tu voulais une douche d'eau chaude, tu devras passer ton tour… » dis-je bêtement en soupirant, me regardant de nouveau dans le miroir.

Je détaillais mon nouveau compagnon au travers du miroir, sans avoir un soupçon de gêne. Il était plus vieux que moi, mais il était aussi très beau. Si nous nous étions rencontré dans d'autres circonstances, je n'aurais surement pas hésité à flirter avec lui. Il aurait peut-être aimé, il m'aurait peut-être repoussé. À ce moment même, je me demandais si lui aussi aimait les poneys. Mais ce n'était pas vraiment une question à poser. Je le vit rire a ma supposé plaisanterie, qui n'en était pas vraiment une, mais je dois avouer que cela sortait d'un peu ironie. Je me tournai donc vers lui, tendant la main pour prendre la cigarette qu'il m'offrait. «Je parlais plutôt de weed… mais une clope fera l'affaire. » lui dis-je, fourrant la cigarette à mes lèvres, me rapprochant finalement du jeune homme. «Je ne suis plus sur un buzz depuis quelques heures, et ça me fait plus badtriper que quand j'ai vu le cadavre de cette pauvre femme tout à l'heure. » ajoutais-je alors, continuant de regarder ce Lysander d'une façon qui était surement déplacée, mais qui était bien propre à moi. «Lys… c'est quand même un drôle de surnom, pour un homme je parle. Moi c'est Emma. Mais tu peux m'appeler Bernadette. » m'exprimais-je, un demi sourire s'affichant sur mes lèvres, la clope toujours pas allumée entre celles-ci. Je me moquais de lui, c'était évident. J'espère qu'il ne le prendrait pas trop mal non plus… C'est pas le temps de se faire des ennemis tout de même. J'ai pas envie d'être la prochaine à être pendu devant les autres weirdos de la place.

La jeune fille resta plusieurs secondes face au miroir, détaillant le reflet de Lysander. Il perçut une lueur d'attirance dans ses pupilles, mais il ne fut pas embarrassé pour autant. Tout d'abord, il était trop fatigué pour ressentir la moindre émotion, ensuite, il avait pleinement conscience qu'il plaisait aux femmes, même s'il ne faisait rien pour que ça se produise. Ça n'était pas le genre d'homme à vouloir se faire remarquer pour son apparence. La jeune inconnue mit longtemps avant de se détourner pour saisir la cigarette que Lysander lui tendait. Elle semblait déçue par ce qu'il lui proposait. Lys comprit tout de suite pourquoi, celle-ci se révélait être une toxico. « Désolé, je ne touche plus à ces conneries, j'ai passé l'âge. » Il fut étonné de la froideur qui accompagna ses propos. Cela se comprenait, il avait vu tellement de personnes se détruire à cause de l'herbe. « Je ne suis plus sur un buzz depuis quelques heures, et ça me fait plus badtriper que quand j'ai vu le cadavre de cette pauvre femme tout à l'heure. » Le jeune homme eut du mal à décrypter les paroles de la jeune fille. Le langage des jeunes, ça n'était décidément pas son dada. Il se contenta donc de lui adresser un sourire complaisant, même s'il trouvait qu'elle manquait singulièrement de respect vis-à-vis de l'autre jeune fille retrouvée morte. Pendant un long moment, ni l'un ni l'autre ne dit un seul mot. Ils se contentaient de se regarder dans les yeux, même si le regard de l'inconnue avait tendance à dévier vers le bas... « Lys… c'est quand même un drôle de surnom, pour un homme je parle. Moi c'est Emma. Mais tu peux m'appeler Bernadette. » Il venait de rencontrer la reine du sarcasme. Non seulement elle décrédibilisait totalement le surnom qu'on lui donnait depuis son enfance, mais en plus elle parodiait sa façon de parler. Malgré tout, Lys ne put s'empêcher d'éprouver une certaine empathie pour cette fille sortie de nul part. Il était prêt à parier que derrière la junkie indécente se cachait une fille sympa. « Si t'as un problème avec mon surnom, tu peux toujours essayer d'en trouver un autre. Mais tu verras, c'est pas si facile que ça... » Même si elle semblait avoir pris la tête de la discussion, le vétéran n'était pas prêt à se laisser marcher sur les pieds.

L'herbe, une connerie ?! Je ne sais pas trop. Pour moi, c'est un moyen de vivre dans ce foutu monde de fou. Ce n'était surement pas bon pour ma santé, et j'en étais, évidemment, devenu accro, depuis plusieurs années maintenant. Est-ce que cela fait de moi une personne moins intelligente, je ne pense pas. Mais je pouvais comprendre le jugement dans ses paroles. Je ne lui en voulais pas, j'avais bien l'habitude. Me reculant de quelques pas, je sortis un petit briquet de la poche de mon jeans troués, allumant la cigarette qui trainait sur mes lèvres depuis quelques minutes. Rejetant ma tête vers l'arrière, je rejetai le nuage de fumé qui venait de me pourrir les poumons. « Si t'as un problème avec mon surnom, tu peux toujours essayer d'en trouver un autre. Mais tu verras, c'est pas si facile que ça... » Je souris, franchement. Je n'avais pas voulu le blesser, ou quoi que se soit. J'avais seulement dit ce qui m'avait passé par la tête. Il avait raison, il n'y avait surement pas 50 000 surnoms avec son prénom, mais je m'amusai à en chercher quelques-un. «Lysan, Sander, comme Adam Sander ! À non merde, c'est Adam Sandler ! J'suis conne ! Ou sinon… Y'a Lyly, mais pour la virilité, on repassera… » lui répondis-je, pensive, continuant à chercher quelques options. «Mouais… J'crois que j'aime bien Lyly ! » ajoutais-je en rigolant, me rendant compte du ridicule de la conversation. Nous allions surement tous mourir et moi j'étais là, à parler de surnom et à rire comme une idiote. J'eu un frisson à cette pensé, essayant d'oublier le fait que nous étions enfermé ici, pour une durée inconnue...

Pour la première fois depuis qu'ils étaient enfermés dans cet endroit, Lysander se sentait en sécurité. Ici, à cet instant, avec cette fille, Emma. Un visage souriant avait remplacé un visage ensanglanté. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point cela fait du bien de tenir une discussion sans intérêt dans un moment aussi grave. Emma s'était enfin décidée à allumer sa clope, comme si elle estimait qu'elle pouvait lui accorder sa confiance. Immobile, elle se contentait d'apporter la cigarette à ses lèvres, puis recrachait la fumée hors de ses poumons. Elle semblait être en pleine réflexion. Lysander en déduit qu'elle était en pleine recherche de surnoms. En effet, quelques secondes plus tard, elle se mit à énumérer une liste de sobriquets, tous plus futiles les uns que les autres. Elle s'arrêta finalement sur « Lyly , apparemment satisfaite de son choix. Seul le rire qui suivit ses paroles lui indiqua qu'elle plaisantait. Il se joignit à elle, le rire se transformant rapidement en fou-rire incontrôlable. Comment expliquer qu'ils étaient là, à se marrer, alors que des gens se faisaient tuer à l'extérieur ? Lysander pensa qu'ils étaient simplement en train de relâcher la pression accumulée durant ces dernières heures. Enfin, quand tous deux se furent calmés, et que le silence revint, il répondit : « Quitte à choisir entre Lys et Lyly, je préfère garder le premier... » Cette phrase semblait clore le sujet. Le jeune homme préféra laisser Emma finir sa cigarette en silence, comme si ce rare moment de plaisir était devenu précieux. « J'ai été content de te connaître, j'espère que nous aurons l'occasion de nous reparler. » Se rendant compte que sa phrase terminait sur une annonce de mauvais augure, il ajouta : « Enfin, je veux dire, par la suite... plus tard. » Il était maladroit, il en avait conscience. Elle allait se poser des questions. Tentant de se rattraper, il esquissa un sourire, puis se dirigea vers la sortie.

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