Depuis la découverte macabre du corps de Campbell, mon moral était descendu en flèche. Bon, on ne pouvait pas dire qu'il était très haut depuis que nous étions prisonniers de ses lieux, mais au moins j'avais l'espoir de m'en sortir vivant. Mais maintenant...Depuis que j'avais pris conscience que nous étions dans une vraie partie de Rabbit Doubt, mes chances de survie avoisinaient quasiment le zéro. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'on ne retrouve mon corps sans vie dans un coin de la demeure, ou alors pendu par mes propres camarades. Cela serait probablement ça le pire, mourir, sacrifié par les autres. Une chose est sure, si on décidait que cela devait être mon tour, je ne partirais pas sans m'être battu d'abord. Hors de question de me laisser entraîner au bout d'une corde sans résistance. Nope, je n'étais pas prêt à mourir. J'avais encore tellement de choses à vivre ! Et surtout une fille à m'occuper. J'étais sa seule famille, et l'idée qu'elle puisse se retrouver orpheline à 4 m'horrifiait. Du coup, je n'étais pas prêt à abandonner la partie. Tant que je tenais encore debout sur mes jambes, j'avais encore un petit espoir de m'en sortir. Je comptais me raccrocher à ça. Préférant éviter la compagnie des autres – je ne leur faisais guère confiance – je décidai de partir à l'exploration du désert. Peut être qu'au bout il y' aurait l'espoir d'une sortie...Sait on jamais. De toute manière c'était mieux que de tourner en rond dans la cours. Je m'étais muni de la pelle qui m'avait servi à enterrer Campbell. Non pas que je comptais enterrer quelqu'un d'autre, mais ça pourrait m'être utile en cas d'attaque, ça ferait office d'arme. Après plusieurs minutes de marche, je me rendis compte que je n'étais pas seul. Au loin, j’aperçus la silhouette d'une femme. Qui semblait étrangement immobile. Ou alors ce n'était qu'une illusion d'optique. Après trois minutes supplémentaire de marche, j'arrivais à sa hauteur. Il s'agissait de l'autre fille insupportable avec qui je m'étais pris la tête la veille. Elle semblait pétrifiée par la peur. Et je compris pourquoi. A quelques centimètres de ses pieds se trouvait un serpent. Je n'étais pas un expert, mais au vu de sa queue et du sifflement qu'il faisait, j'en déduisais qu'on avait affaire à un serpent à sonnette. Très venimeux si mes souvenirs sont bons. « Oh je vois que tu es en bonne compagnie. Je ne vais pas déranger votre tête à tête... » dis je sarcastique. Et je tournai les talons, m’apprêtant à passer mon chemin.

En vérité je n'avais pas l'intention de fuir. J'étais peut être un connard sur bien des points, mais je n'allais pas laisser ainsi une fille en galère, aussi insupportable soit elle. Non ce que je voulais, c'est qu'elle me demande de l'aider, voir de me supplier ça serait encore mieux. Mais malheureusement elle ne semblait pas prête à mettre sa fierté de côté. Non mademoiselle se la jouer forte, qui s'en fou. Mais il ne fallait pas oublier que c'était elle dans la merde, pas moi. Contrairement à ce qu'elle racontait – dans le but de me faire rester ? - je pouvais tout à fait prendre la tangente. J'étais largement assez éloignée d'elle, et surtout du serpent, pour ne pas risquer de me faire attaquer. Ou tout du moins d'avoir le temps de m'échapper. Je doutais qu'un crotale fasse du 100km/h. Alors que la blondinette était à portée du serpent, si tout à coup il décidait de la mordre, elle était foutue. Bye bye Agathe.  « Je ne crois pas que t'ai le luxe de te passer de ma présence. A moins que tu ne sois suicidaire. » Je doutais que ça soit le moment de risquer de me mettre à dos.  « Je me demande ce qui est pire. Mourir pendu, ou mordu par un serpent...Bah probablement le serpent, le poison agit beaucoup plus lentement. » Quand je disais que je pouvais me comporter comme un connard.  « Tu sais, il te suffit de dire s'il te plait, et je me ferais un plaisir de t'aider. » Bon un plaisir c'était largement exagéré. Sauter sur les serpents à coup de pelle et risquer ma vie n'était pas exactement ce que je préférais. Mais je serais prêt à le faire, si elle y mettait du sien. Plus le temps passait, plus les chances que monsieur le serpent fasse des siennes était important.

Est ce que je me surestimais ? Je ne pense pas. A l'évidence elle avait clairement besoin de mon aide. Après je ne garantissais pas non plus le résultat. Mais apparemment, elle ne semblait toujours pas prête à mettre sa fierté de côté, et admettre que je pourrais lui être utile. L'intelligence ne faisait clairement pas parti de la liste de ses qualités. Enfin si elle en avait bien sur, parce que franchement pour le moment je les cherchais encore. « J’préfère encore mourir à cause du venin de serpent que par vos mains, suspendue à une corde. » « On en reparlera dans une heure alors, quand tu me supplieras de t'achever. » Et là, mademoiselle fit la connerie de bouger. Quand je disais que l'intelligence n'était pas son fort... Mine de rien j'étais quand même aux aguets, dès fois que ça dégénérerait. De ce que j'en savais, il me semblait que ce genre de serpents s'en prenait généralement qu'aux proies de sa taille. Vous savez il les bouffais en entier. Or l'homme était beaucoup trop grand pour lui. Donc il ne devrait attaquer que s'il se sentait menacé. Mais bon c'était de la théorie, et en vérité je pourrais me tromper complètement. Bien que pour l'instant, il me donnait raison, puisqu'il se contentait de rester planté là, bien sagement. Il avait un peu bougé lorsqu'Agathe s'était reculé, mais rien d'alarmant. Enfin rien de plus que ça ne l'était déjà. « Je jure que tu auras ma mort sur la conscience » N'était ce pas là une sorte d'aveu déguisé ? Comme quoi elle avait besoin de mon aide ? « Une de plus, une de moins. » répliquais je comme si je m'en fichais. On allait avoir tous les soirs un mort de plus sur la conscience, alors...Et puis ça se trouve je ne vivrais pas assez longtemps pour l'avoir sur la conscience. Mais bon elle marquait quand même un point. Je me rendis compte qu'Agathe ne comptait pas changer d'attitude. Alors à moi d'être le plus censé... On allait pas rester ici indéfiniment à attendre que le reptile fasse des ravages. D'un autre côté, risquer ma vie pour une conne comme elle, qui se montrerait probablement ingrate si je réussissais, cela en valait il vraiment la peine ? « Bon...Je vais tenter un truc, tu bouges pas. » Honnêtement je n'étais pas vraiment sur de moi. Je n'aurais probablement qu'un essai, alors il ne fallait pas que je me rate. Je tenais ma pelle fermement en main, levée, et me déplaçais lentement autour d'Agathe pour être à portée du crotale. Je respirai un grand coup et fit une petite prière intérieure. Le reptile sentit probablement le danger, parce que c'est à ce moment là qu'il s’apprêtait à attaquer. Subitement, je le frappai de toute mes forces avec le tranchant de la pelle. Un bruit sec se fit entendre. Je venais de le décapiter.  « C'était moins une » dis je soulagé. Des perles de sueurs coulaient sur mes temps. On avait eu chaud. C'est alors que la gueule du serpent s'ouvrit, provoquant chez moi un mouvement de recul. Agathe en fit de même. Ce truc était bel et bien mort, mais probablement un truc en rapport avec les nerfs, un spasme automatique où je ne sais quoi. En tout cas il risquait plus de nous courser.