Les deux cadavres de ce matins, c'en était trop. Les nerfs d'Aaron étaient à vif, sa peau semblait lui brûler, il serait prêt à démonter cette horrible propriété brique par brique s'il le pouvait ! Ils s'étaient tous tant pris le chou pour ses conneries qu'ils en avaient perdu l'énergie de la recherche : se barrer, trouver une issue. Quatre jours, quatre jours et six morts ! C'était de la folie pure et simple.

Le garage, cet ancien hangar - vide au premier coup d'oeil - regorgeait de l'une ou l'autre caisse à droite et à gauche. De vieilles canettes écrasée et décolorées, une tonne de poussière et tout autant de merde qui ne lui servirait à rien. Aaron s'agitait, il faisait voler tout ce qui ne lui convenait pas. Et lorsqu'il tomba sur une vieille boite à outils métallique rouge, il s'avéra qu'elle était entièrement vide. Il serra la mâchoire et shoota violemment dans le container qui traversa la pièce et s'écrasa sur le mur d'en face. Il devait trouver ! Il voulait trouver, un truc, quelque chose, un signe à la con, une arme plus efficace que la vieille batte de baseball qui ne le quittait plus depuis deux jours. A genoux, au sol, les mains dans les cartons, il cherchait, encore et toujours. Qu'avait il à faire mis à part fouiller ? Se donner bonne conscience ? Prétendre qu'il existait une issue, une voie différente ...

« Qu’est-ce tu fous ? » Demanda Maureen de son plus beau langage. Plus rien ne comptait vraiment maintenant qu’ils allaient tous mourir dans d’atroces souffrances et qu’ils le savaient. Après tout, Maureen avait été assez stupide pour refuser de dire un prénom lors de l’assemblée de la veille et le résultat n’avait guère été concluant. Bref, elle avait écouté les bons penseurs du groupe mais finalement, elle ne devrait plus penser que par elle-même, elle en était à présent convaincue. Bref, ce matin là, deux hommes avaient été retrouvés morts. Tuer une demoiselle à la fois, ça ne devait pas être bien compliqué mais là… Putain, deux mecs en même temps. Tout le monde savait à présent à quoi s’attendre et ça craignait franchement. Le pire était-il de se dire que Maureen connaissait le loup ? Qu’elle parlait peut-être avec lui ? Alors putain, les bonnes manières iraient se faire foutre fissa. Bref, elle se trouvait dans le garage comme elle aurait pu être autre part. Elle avait vu de la lumière, elle était entrée. Là, elle voyait Aaron alias Le Prêtre en train de… Péter un câble ? Faire de la mécanique ? Se défouler ? Donc, ce n’était pas vraiment clair, d’où sa question. Maureen fit claquer ses bottines avec un talon certain sur le sol dégueulasse du garage avant de se poser contre l’une des carcasses de voiture. Peut-être devrait-il songer à mettre des tennis ou des chaussures qui lui permettraient de fuir un potentiel meurtrier… Ou bien, elle décidait de n’en faire qu’à sa tête, comme d’habitude. « Si tu trouves une lime à ongle dans le coin, je suis preneuse, la mienne ne durera pas éternellement. » Maureen non plus ne durera pas éternellement, ceci dit. Enfin, c’était une manière d’entamer la conversation et la demoiselle avait ce petit air désinvolte qu’elle tentait de ne jamais quitter. Même si Aaron avait pu la voir en train de faiblir, elle espérait qu’il ne s’en souvienne plus. Elle pouvait toujours rêver.

Qu'est ce qu'il foutait ?! C'était une excellente question en fin de compte ... Qu'est ce qu'il pouvait bien foutre, que pouvaient-ils bien tous foutre ici ? Comment s'étaient-ils tous laissé allé à telle stupidité pour une connerie de jeu ?! Ca l'enrageait de se rendre compte à quel point il avait été facile de laisser le piège se refermer ... Et dire qu'il avait hésité à entrer dans cette foutue baraque.

Lorsque la voix de Maureen (oui celle là il pouvait la reconnaitre), claqua dans le silence, Aaron se redressa et se retourna vers la source sonore. La silhouette droite, élégamment appuyée contre une vieille bagnole déglinguée et faisant tourner son pied sur le haut talon de sa bottine, Maureen était bel et bien présente. Elle portait la tête haute comme à son habitude et à en juger par le rôle qu'elle aimait à se donner, devait faire un effort considérable pour tenter de garder sa fierté. Presque impeccable, la poussière incrustée dans le tissu de ses vêtements ne trompait pourtant personne, ni comme les quelques tâches sur son pantalon ou les cernes sous ses yeux. Cela dit, elle devait être celle qui faisait le plus bel effet en cet enfer. J'ai des doutes mais promis ... tu sera le première sur ma liste. Il se passa une main dans les cheveux en bataille et fit quelques pas de plus vers la vieille carcasse sur laquelle était appuyée Maureen. Il entra du côté conducteur, prit place assise et posa les mains sur le volant. Il laissa sa tête retomber sur le dossier déchiré et s'imagina quelques instant toujours en conduite de la sienne. Et dire que mon petit bolide est juste là derrière ces putains de grilles. J'en suis réduit à cette merde et toi à bientôt te ronger les ongles ... Maureen ne devait pas avoir de problème pour l'entendre étant donné que toute la partie supérieure de la voiture était à moitié arrachée et qu'aucune vitre n'étaient encore en place. Là je serais sûrement arrivé chez moi maintenant. J'aurais été en retard, parce que j'aurais rencontré une fille sympa sur le route mais j'y serais. Juste à temps pour les restes de bonbons et les histoire flippantes à raconter aux gamins. Tu parles d'une histoires flippante ... !!

« Merci. » Répondit Maureen simplement lorsqu’il lui dit qu’elle serait la première sur sa liste s’il trouvait le précieux objet. Dans un léger sourire amusé, elle se doutait bien qu’ils ne trouveraient jamais ce genre de chose. Dommage. Alors qu’elle restait appuyée contre ce qu’il restait d’un voiture, Aaron décida d’y monter dedans, place conducteur. Maureen hésita un instant, avant de venir s’installer à côté de lui. « La place du mort… » Souffla-t-elle pour elle-même. C’était une expression qui, maintenant, paraissait plus que réaliste. Effrayant. Pourtant, Maureen se doutait qu’elle ne craignait rien. Elle ne faisait pas du voodoo pour rien, enfin, c’est une autre histoire. Toujours est-il que, Le Prêtre fut inspiré pour raconter sa vie, il était venu en voiture. « J’suis aussi venue en voiture. Ma pauvre petite voiture…. » C’était le genre de voiture pour fille par excellence, avec du cuir rose à l’intérieur, évidemment ! On parlait de Maureen là, tout était forcément mignon, flashant, bling-bling et rose. Bref. Puis, Aaron expliqua ce qu’il aurait fait en rentrant chez lui. Pardon ? « Ah ouais ? » Commença-t-elle avec un fin sourire amusé. « T’es de ce genre là ? » Elle faisait clairement référence à la fille sur la route. « Je t’aurais plus pris pour le mec qui prie dans sa voiture avec une croix autour du rétroviseur. » Un genre de prêtre moderne, quoi, oui oui. Maureen posa ses pieds sur ce qu’il restait de la boite à gants ou quelque chose du genre. Elle observa un instant ses bottines qui commençaient à s’user. « Et à la place, t’es dans cette caisse avec une magnifique femme. Franchement, tu gagnes au change. » Ironisa-t-elle. Elle ne pouvait faire que ça, de toute façon. Evidemment que Maureen aurait préféré être chez elle en cet instant, ou même dans sa voiture, bref, dans un lieu sécurisé et sécurisant. Pas dans cette voiture à deux francs six sous où des rats devaient habiter de temps en temps. Pourvu qu’il n’y en ait pas en cet instant nom de dieu !