Quelques minutes seulement après la pendaison de Billie qui me lançait encore l'âpre sensation d'un sale dégout coincé au fond de la gorge, j'avais décidé de m'isoler des autres, fait bien rare chez moi qui, d'ordinaire, étais absolument incapable de rester seul sans en devenir fou. Seulement, je ne tenais pas foncièrement à ce qu'ils me voient tous chialer comme un ado prépubère en mal d'amour: gamin ou pas, je restais un mec et j'avais toujours, certes enfoui au fin fond de mon être, une once de fierté masculine. Alors je m'étais tiré, la démarche rapide et les yeux papillonnants. J'étais allé là où mes pieds m'avaient portés, il me semblait même avoir marché plusieurs heures, tournant inlassablement en rond, jusqu'à ce que je finisse par m'enfouir dans une sorte de bâtiment passablement éclairé mais tout de même lugubre à souhait. Je traversais un couloir sombre, le souffle court. Prenant sur moi-même, je fis tout mon possible pour ignorer le crâne pourri au pied d'un meuble, détournant les yeux et me bloquant la respiration. Après une brève exploration des lieux, j'entrepris d'ouvrir une porte, au hasard: elle me dévoila une sorte de dortoir dont le fond était engouffré dans la pénombre. Un frisson me parcourut l'échine: j'entendais une respiration, puis un soupir. Y'a quelqu'un? Dans un élan de courage insoupçonné, j'ouvrais la porte en grand, m'avancais: face à moi, sur l'un des lits, la brune ultrarefaite qui m'avait traité de tous les noms quelques heures plus tôt. Ah, c'toi. Je n'étais pas le moins du monde rancunier, et notre altercation était à mes yeux déjà bien loin. Qu'est-ce' tu fous là? C'pas franchement un coin paisible et tranquille pour pioncer, nan?

La nuit était déjà bien avancée et pourtant, Maureen ne parvenait pas à fermer ne serait-ce qu’un quart d’œil. Elle avait enfilé un hoodie et portait même la capuche sur sa tête, afin que cela protège ses cheveux du mur. Assise sur un lit – qui était à présent le sien – elle restait dos au mur, attendant que le sommeil ne l’emporte. Les jambes contre la poitrine, elle entendit la porte s’ouvrir. Instinctivement, elle prit le manche du couteau de cuisine qu’elle cachait sous l’espèce de drap, attendant de voir qui allait entrer. C’était Ty, le mec insupportable. Elle hésita un instant à ne pas lever son couteau, mais finalement, elle le garda caché, il n’avait pas l’air bien effrayant celui-là, ce ne devait pas être un meurtrier. « Ouais. » Répondit-elle simplement avant qu’il ne la voit et la reconnaisse. « Si des cons ne passaient pas par là, ce serait beaucoup plus calme. » Répondit-elle au tac-o-tac. Soufflant un instant, la jeune femme laissa sa tête frapper doucement le mur avant de finalement regarder de nouveau celui qui venait d’entrer. Maureen n’était pas particulièrement rancunière, mais juste ce qu’il fallait. « Enfin, bon… » Dit-elle l’air de dire qu’elle ne comptait plus se battre avec lui, du moins pour aujourd’hui. Elle se passa un instant la main sur sa nuque bouillante. La mort de Billie l'avait tout autant choquée et contrariée que Ty ou les autres, ce n'était pas une raison pour qu'elle ne dise pas ce qu'elle pense. Pourvu qu'ils avaient trouvé le loup, ils seraient enfin libre à l'aurore.