Le flou total. Mais où est-ce que j'étais. J'entendais des voix, lointaine, mais je ne saurais dire de quoi ils parlent. Je ne suis pas capable de bouger mon corps, mon cerveau refuse délibérément de coopérer, ce con. Et puis, de toute façon, je ne suis pas certaine de vouloir ouvrir les yeux. Non. Cela n'avait été qu'un simple rêve finalement. Un cauchemar plutôt. Je n'avais pas de quoi m'inquiéter, vraiment. Une fois de plus, quelqu'un me cria dans les oreilles. Ce qu'il me disait n'était pas clair, pourtant je savais qu'on s'adressait à moi. Et malheureusement, je ne devais pas me trouver dans mon lit, puisque la surfasse sur laquelle j'étais étendu, se trouvait être aussi dur que du béton. Claque. La douleur fut saisissante, oppressante. Putain de merde, j'avais l'impression de m'être fait jeter une tonne de briques en pleine gueule. J'ouvris instantanément les yeux, sentant encore la marque d'une main contre ma joue droite. Ma tête tournait et la vue de deux hommes au dessus de moi me donna quelque peu la trouille. J'étais encore défoncée, il n'y avait pas de doute là-dessus, bien que les effets commençaient à s'estompent. «Fuck… est-ce que c'était nécessaire de me foutre un poing sur la gueule pour me réveiller. Idiot. » dis-je d'une petite voix, fronçant les sourcils tout en me massant la mâchoire et la joue. J'étais encore étourdie, mais je ne pensais pas faire une rechute. Je plongeai mon regard dans celui de Nenad, cherchant à me faire rassurer, me dire que tout cela était une blague. «On est pas réellement pris ici ? Y'a pas de cadavre non plus hein ? J'ai halluciné ça puisque j'ai trop fumé ? » Mes questions ne servaient probablement pas à grand chose. Elles étaient stupides et sans importance. Mais j'aurais tant aimé qu'on me traite de folle pour une fois. Que tout cela était dans ma tête de fausse blonde.

Ezra s'était quelque peu éloigné du cadavre. Il avait fait ce qu'il avait à faire, ou plutôt ce qu'il pensait qu'il avait à faire mais il le regrettait déjà. ses yeux balayaient l'espace qui lui faisait face. Il cherchait une solution, un indice quelque chose. Mais rien, rien ne semblait pouvoir permettre une quelconque fuite. Tout autour de lui, les autres joueurs avaient des réactions tout aussi différentes les unes que les autres. Certaines beaucoup plus louches que d'autres. Son cerveau s'agitait, il essayait de comprendre ce qui pouvait bien se passer ici. Le message sur le mur, la fille éventrée, tout ceci était bien réel et la suite de cette histoire lui semblait bien morbide. Il était clair pour lui que tout les membres du groupe ne sortiraient pas d'ici vivant. Que même un seul d'entre eux sorte d'ici vivant. Ils étaient tous là pris au piège. N'ayant aucune échappatoire. Rien que d'y penser, Ezra en eu un vertige. Il allongea son bras pour s'agripper au mur à coté de lui et s'y laissa glissé. Il tomba assis, les coudes sur les genoux et les paumes encore légèrement ensanglantées sur le front. Il était là assis dans la boue, se rendant petit à petit enfin compte de ce qui était entrain de se passer. Ses nerfs étaient en train de le lâcher et il avait presque les larmes aux yeux. Et au final, il avait presque l'impression d'être le seul à avoir une réaction rationnelle face à la situation.

A peine ai-je le temps d'articuler que le mec tendait son zippo devant lui et allumait ma cigarette; j'tirais dessus à en perdre haleine, comme si ma dose de tabac allait suffir à pouvoir me calmer et à alléger la situation. Haha, la bonne blague. J'vais faire le gros gratteur mais, t'aurais pas une clope? J'acquiesais de la tête, lui tendis un tube de nicotine tout droit sorti de mon paquet quasi-neuf. T'inquiète mec, y'a pas de soucis. Je tirais sur la mienne, contribuais à, comme le disait ma mère, "me noircir les poumons": dans une merde telle que celle dans laquelle je venais de me fourrer, on était clairement plus à ça prêt. J'sais pas toi mec, mais perso j'pense que j'vais rentrer. Ca sert à rien d'rester à pourir dehors pour regarder l'cadavre de cette pauvre meuf s'faire autopsier. J'avais encore bon espoir quant au fait que tout ceci ne soit qu'un canular et qu'un mec sorte des bâtiments en nous avouant que ce corps mutilé n'était qu'un mannequin extrêmement bien maquillé, mais très sincèrement, cet espoir s'amenuisait de plus en plus. J'pensais déjà à ma famille, à tous mes neveux et nièces que j'avais abandonné pour venir; égoïstement; jouer à ce putain de jeu. Je n'étais pas encore condamné à mort, certes, mais les chances pour que je sorte de là en vie diminuaient au fil des minutes passées ici. Alors, reprenant mon souffle, je tapais l'épaule de mon fournisseur de feu, m'apprêtant à tourner les talons. Essaye d'rester vivant mec, moi j'me casse, faut bien qu'quelqu'un prenne les d'vants. Et, dans un dernier sourire, je m'avançais puis poussais la lourde porte métallique du bâtiment qui nous surplombait, seul. J'entrais littéralement dans la gueule du loup.

Il n'arrivait pas à y croire, comment cette soirée avait-elle pu se terminer de la sorte. Lui qui avait été ravi de recevoir cet étrange SMS, qui, sans se douter une seule seconde de ce qui pouvait l'attendre, avait sauté dans le premier taxi venu pour se rendre là où on l'avait convié. La soirée commençait plus ou moins bien, il avait eu la chance de rencontrer les autres participants et avait aussi eu la chance de sentir la drôle atmosphère qui s'échappait de chacun d'entre eux. Douce odeur d'appréhension, d'angoisse et de frayeur, mais aussi doux parfum d'excitation, d'impatience et de candeur. Tous n'attendaient qu'une chose, que la partie commence. Tous ici n'avaient qu'une chose en commun, une passion, ou un intérêt certain pour le célèbre jeu de "RABBIT DOUBT". Un seul point commun, ils étaient tous réuni pour cette seule raison. Alors Petzi avait commencé à discuter, un peu, il était resté en retrait et s'était aussi contenté d'écouter les conversations d'une oreille indiscrète, certes, mais attentive. Il était persuadé d'être un simple pion dans un jeu tout ce qu'il y avait de plus innocent. Un simple pion qu'on déplacerait, certes, mais qui garderait tout son libre arbitre. Et si la partie avait déjà commencé, il était dans son intérêt d'écouter les autres, peut-être le "loup" se cachait-il déjà dans la bergerie. Alors les grilles s'ouvrir, et le spectacle qui s'offrit au jeune thérapeute lui réchauffa le coeur. L'ambiance était soudainement plus lourde, mais les décors incroyablement flippants. Tout était réuni pour que le jeu soit vraiment formidable. Alors Petzi fit quelque pas, comme les autres. Et comme les autres, il s'émerveilla devant le réalisme des décors. Et puis, brusquement, un cri perça le silence, un des candidats se mit à paniquer et la soirée tourna en véritable cauchemar. Devant le spectacle qu'offrait la jeune femme crucifié, et morte, Petzi ramena ses mains contre sa bouche. Etouffant un cri, un simple cri. Reculant d'un pas, puis d'un deuxième, il s'éloigna légèrement de la scène. « P*tain de m*rde ! C'est quoi c'bord... » sans avoir le temps de terminer sa phrase, il trébucha sur un gravier, ses jambes vacillèrent et son corps rencontra le sol dans un choc violent. Encore sous le coup de la surprise, assis par terre, Petzi n'arrivait à détacher son regard de la jeune femme morte. Tout le monde autour se mit à brailler, à angoisser. Etait-ce réel, était-ce un canular ? Personne ne le savait, mais tout le monde y croyait pourtant. Le jeu avait donc bel et bien commencé, le jeu n'en était pas un. Ce SMS, c'était un attrappe-nigaud et à présent, ils étaient tous prisonnier avec un dangereux psychopate, un tueur en série barjo. Retrouvant légèrement contenance, il se redressa sur ses jambes, observa les réaction des autres candidats. Interdit, complètement choqué, il ne parlait pas, il ne dit rien. Il ne participait même pas à cette scène horrible qui se déroulait sous ses yeux. Non, il était hors de question qu'il se rende complice d'un meurtre en touchant une malheureuse victime. Et puis, soudainement, il aperçu l'un des candidats (Ty) tourner les talons... Après avoir simplement annoncé à tout le monde que rester à l'extérieur ne lui paraissait pas vraiment utile, il prit les devants en entrant le premier dans la demeure. Son regard se tourna alors à nouveau vers la scène de crime. Il était là, impuissant, que pouvait-il faire d'autre que regarder. Le jeu venait de commencer et le réalisme de la scène le laissait perplexe. Il comprenait alors qu'il était ici pour une bonne raison ; sauver sa peau. Le but du jeu n'était pas de découvrir le tueur, mais de survivre aux attaques qui auraient apparemment lieu. « Fais ch*ez bordel ! C'est quoi ce truc de malade. » ne put-il s'empêcher de commenter tout en s'approchant doucement de la victime. Y en aurait-il d'autre, serait-il le prochain ? Des questions se bousculaient dans son esprit, des interrogations qu'il savait complètement folles mais pourtant bien réelles. Il regardait les autres, la manière dont ils réagissaient et cherchaient dans leurs yeux des réponses... des réponses qu'il n'aurait sans doute jamais.

merde, c'est quoi ce plan. la ruée vers l'or, tout le monde se bouscule et s'marche dessus comme des poules devant un homme. tout le monde veut voir le cadavre de cette pauvre fille, tout le monde en oublie ce qu'il nous arrive. faut être réaliste, on est tous pris dans un piège dans lequel on crèvera surement très vite. vu ce qu'ils ont fait à cette fille. éventrée, accrochée, le sang clapote et forme une flaque affreuse sur le sol. ils pensent à l'enterrer, à la couvrir, à rendre hommage. ça ne servirai à rien, juste à nous angoisser encore plus. d'autres sont un peu paumés, comme moi. dégoûtés et déçus de notre sort. putain, j'avais vraiment envie de la faire cette partie de Rabbit Doubt. j'aurai du rester accroché à ma chaise de bureau. putain d'vie. je fouille frénétiquement la poche de mon gilet, n'y trouve aucunes substances qui pourrait tous nous calmer si j'aurai l’amabilité d'en proposer à tout le monde. l'un d'entre nous se démarque et tente de soulever la porte. je roule des yeux, jette un oeil dédaigneux aux quelques personnes autour du cadavre déjà pourrissant. finalement, je passe devant eux en haussant les épaules. bordel, elle est morte. l'ouvrir encore plus qu'elle ne l'est ne nous sauvera pas. je me joins en silence au combat du moins con qui essaie d'ouvrir cette porte. autant essayer de s'tirer d'ici avant d’aggraver notre sort. je ne deviendrai pas fou, on ne me tuera pas parce qu'on va tous se barrer d'ici avant.

Les yeux toujours ancrés sur le corps du cadavre, Petzi n'arrivait toujours pas à réaliser le merdier dans lequel il venait de se foutre. Pourquoi avait-il fallu qu'il accepte cette invitation et pourquoi avait-il fallu qu'il saute dans ce taxi, tout excité à l'idée de participer à cette partie vivante d'un jeu pour lequel il vouait une certaine adoration. Nom de Dieu ! Rien qu'en y repensant, il avait envie de se foutre des gifles ! Il ne devrait pas être là, il devrait être tranquillement chez lui, à surfer sur le net, à préparer ses rendez-vous de la semaine prochaine. Pas à observer de manière perverse et peu commune un corps froid et inerte. Réalisant soudainement que cette image le hanterait pour les jours à venir, il ferma les yeux, secoua son visage et se retourna. Juste à temps pour regarder un des participants rendre son petit-déjeuner. Inquiet, d'un naturel réconfortant, Petzi oublia un instant la "morte" pour se concentrer sur les vivants. Il fit quelque pas en direction de Rafael et s'accroupit près de lui. Le jeune homme s'était laissé glissé le long du mur, sûrement pour reprendre ses esprits, son souffle. Petzi planta ses yeux dans les siens, en esquissant un faible sourire. « Est-ce que ça va aller, mec ? » lui demanda-t-il en posant sa main sur l'épaule de Rafael. Question bête ! A laquelle même lui ne savait pas quoi répondre. Est-ce que ça pouvait aller en considérant le fait qu'un tueur était parmis eux et qu'ils étaient peut-être les prochaines têtes d'affiches d'un remake de SCREAM ! Bordel.

Lula grogna. Devant son bus s'était accumulée une file de voitures monumentale qui semblait s'étendre à l'infini. Cela devait bien faire une demi-heure qu'ils n'avaient pas avancé d'un mètre. Les passagers parlaient, ronchonnaient, et tentaient de voir ce qu'il pouvait bien se passer en dehors de leur champs de vision. Mais n'étant pas encore doté de capacités surhumaines, ils n'en savaient pas plus que les autres. Comme tout le monde sait que la patience est loin d'être la première qualité humaine, certains commencèrent à hausser le ton, comme si la solution se trouvait dans un simple cri. S'enfonçant encore plus dans son siège, la blonde réajusta ses écouteurs dans ses oreilles et posa doucement sa tête contre la vitre. Glissant sa main dans la poche de sa veste,les doigts reconnurent à taton la forme de son portable qu'elle amena devant son regard. Et alors elle le relut. Pour la centième fois. Ou plus. Elle ne pouvait s'en empêcher. Ce voyage avait quelque chose de diablement excitant et elle ne put s’empêcher d'esquisser un petit sourire du coin des lèvres. Bien sur, encore fallait-il qu'elle arrive à l'heure, ce qui était plutôt mal partie.

Quatre heures plus tard, elle arrivait enfin, apercevant le fort en haut de la route qu'elle se mit à monter en courant. Elle détestait être en retard, sans compter que pour se faire remarquer, il n'y avait pas mieux. Oubliant ses longs cheveux dorés donc les mèches venaient battre sa peau fine de ses joues, elle parvint à franchir les grilles avant que celles-ci ne se referment, juste après son passage. Comme si elles avaient attendus son passage. Glissant un regard vers le fer noir des grilles, Lula roula des yeux et continua jusqu'à l’intérieur du fort où une bien étrange scène se déroulait devant ses yeux. Une vingtaine de personnes étaient regroupé face à quelque chose qu'elle ne parvenait pas à voir. Avançant de quelques pas, ses prunelles finirent par frôler le corps mutilé de la jeune fille. C'était une blague n'est-ce pas ? Une mauvaise blague. Une image de la mort du loup dans le jeu, rien de plus. Un mannequin habilement maquillé... Mais plus elle regardait la silhouette, plus Lula retrouvait sa rationalité. Elle est belle et bien morte. Elle voulut ouvrir la bouche mais ne sut pas quoi dire. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ils venaient d'arriver et les murmures et regards prouvaient qu'ils n'en savaient pas plus qu'elle. Salut je suis Lula ! Mauvaise entrée en matière vu la situation. Alors elle resta silencieuse, écartant une mèche derrière son oreille, désemparée. Au lieu d'être outrée, triste, affolée, la jeune femme ne savait pas quoi ressentir à tout cela. Ne parvenait pas à croire qu'elle vivait bien le meurtre sanguinaire qui venait d'avoir lieu.